Interview de Pascal D’Oliveira et Jean-Pierre Simorre

Le PEPR LUMA offre l’accès à un Hub Infrastructure innovant pour la Recherche Scientifique. Entretien avec les deux coordinateurs des plateformes du PEPR LUMA.

Créé en 2023, le PEPR LUMA vise à valoriser les interactions lumière-matière dans divers domaines interdisciplinaires tels que la chiralité, la photochimie et les matériaux, l’énergie et l’environnement ou encore la santé. L’un des enjeux majeurs du programme réside dans la constitution d’un HUB Infrastructure composé de 29 plateformes réparties sur l’ensemble du territoire français, offrant à la communauté scientifique un accès privilégié à des équipements de pointe. Pour mieux comprendre ces infrastructures, une série de vidéos mettra en lumière leurs équipements et spécificités. Pour le lancement de cette série, Pascal D’Oliveira et Jean-Pierre Simorre, coordinateurs des plateformes du PEPR LUMA, nous éclairent sur ces infrastructures.

Coordinateur des plateformes ULTRAFAST

Pascal D’OLIVEIRA, Ingénieur-Chercheur au CEA.

Coordinateur des plateformes OPERANDO/PROTOTYPAGE

Jean-Pierre SIMORRE, Directeur Adjoint Scientifique au CNRS Chimie.


Pouvez-vous chacun vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours avant de devenir coordinateurs de ces réseaux de plateformes expérimentales ?

Pascal D’Oliveira (PDO) : Dès mon entrée au CEA, je me suis spécialisé dans les systèmes laser avancés pour la recherche. En 1993, j’ai rejoint le SPAM, aujourd’hui devenu le LIDYL, pour diriger l’équipe qui a mis en place la première plateforme laser à impulsions ultrabrèves intenses du CEA, utilisant la technologie Titane-Saphir. Progressivement, j’ai supervisé la création d’un parc de plateformes laser femtoseconde au SPAM, puis au LIDYL. Dès la fin des années 1990, ce centre est devenu un acteur majeur en France et en Europe dans ce domaine.

Vers la fin des années 90, j’ai contribué à ouvrir ces plateformes aux scientifiques externes, tant au niveau national qu’européen. Je me suis particulièrement engagé dans le programme « Transnational Access » du consortium LASERLAB-EUROPE, où je suis président de l’Access Board depuis 2019, qui gère l’activité d’accueil transnational. J’ai donc acquis une longue expérience dans l’accueil sur plateformes laser, que je suis heureux de mettre aujourd’hui au service du PEPR LUMA.

Jean-Pierre Simorre (JPS) : Pour ma part, j’ai été directeur de l’infrastructure nationale de recherche RMN à très haut champ (FR3050, IR-RMN THC) et je suis actuellement directeur adjoint scientifique à CNRS Chimie, chargé des infrastructures et des plateformes.

Je suis formé en chimie physique et j’ai un doctorat en biophysique. En tant que directeur de recherche au CNRS, je fais partie du groupe de spectroscopie RMN biomoléculaire à l’Institut de biologie structurale (IBS UMR5075) à Grenoble, où je dirige l’équipe « Interactions moléculaires avec la paroi bactérienne ». Entre 2001 et 2008, j’ai aussi dirigé le groupe RMN Biomoléculaire de l’IBS et, pendant cette période, j’étais également membre du comité de pilotage du Partenariat pour la Biologie Structurale (PSB), une initiative visant à coordonner les infrastructures de pointe en biologie structurale et bio-imagerie à Grenoble.

En 2013, je suis devenu le directeur de l’infrastructure RMN-THC, qui regroupe sept centres RMN équipés des spectromètres les plus puissants de France. J’ai coordonné les investissements et le renouvellement des équipements, tout en favorisant l’ouverture de cette infrastructure à de nouvelles communautés d’utilisateurs.

Plus récemment, l’Institut de Chimie du CNRS m’a demandé de coordonner la fusion des réseaux d’instruments RMN, RPE et FT-ICR au sein d’une seule infrastructure de recherche : Infranalytics. Ces deux dernières années, cela m’a amené à piloter des projets visant à renforcer la coopération entre ces différentes communautés, avec, par exemple, une politique commune de gestion des données, des initiatives en lien avec l’industrie, des actions de communication, et l’élaboration d’un modèle de calcul des coûts. En 2020, j’ai accepté de devenir directeur adjoint scientifique, en charge des infrastructures et des plateformes au CNRS Chimie.

Quelle a été la motivation à l’origine de la création des réseaux de plateformes ULTRAFAST et OPERANDO/PROTOTYPAGE ?

PDO & JPS : La création des réseaux de plateformes ULTRAFAST et OPERANDO/PROTOTYPAGE s’inscrit au cœur de l’activité du PEPR LUMA. Ce programme associe des acteurs du monde universitaire et des organismes nationaux de recherche pour exploiter les propriétés uniques de la lumière, afin d’explorer et contrôler de nombreux systèmes physico-chimiques et biologiques, aux interfaces entre la physique, la chimie, l’ingénierie. Pour atteindre ces objectifs, la communauté travaillant dans ce domaine doit pouvoir s’appuyer sur des instruments et plateformes laser de premier plan.

Certains de ces instruments sont très rares de par leur coût d’acquisition et leur très forte technicité. Le but de LUMA est donc de faciliter l’accès à ces plateformes, tout en soutenant la mise en place d’équipements, pour l’instant indisponibles mais nécessaires à la communauté travaillant dans les thématiques de LUMA.

A quels types d’installations et de prestations les communautés scientifiques concernées par les interactions lumière-matière peuvent-elles avoir accès grâce au HUB Infrastructure du PEPR LUMA ?

PDO & JPS : Le PEPR LUMA a mis en place un hub constitué de deux infrastructures : l’infrastructure ULTRAFAST et l’infrastructure OPERANDO/PROTOTYPAGE. Ces deux infrastructures regroupent des plateformes de haut niveau, proposant une gamme d’équipements extrêmement vaste pour répondre aux besoins de recherche dans les thématiques de LUMA.

Parmi les installations disponibles, on trouve par exemple des plateformes laser ultracourtes pour étudier les phénomènes ultrarapides, des dispositifs de RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) ou de RPE (Résonance Paramagnétique Électronique), ainsi que des démonstrateurs pour le prototypage de dispositifs photoélectrochimiques.

Les communautés concernées peuvent accéder à ces plateformes gracieusement, les frais de fonctionnement étant pris en charge par LUMA. Dans la majorité des cas, LUMA contribuera également à la prise en charge des frais de mission des chercheurs accueillis sur les plateformes du HUB Infrastructure.

Vous distinguez deux types de plateformes : ULTRAFAST et OPERANDO/PROTOTYPAGE. Pouvez-vous nous expliquer cette différenciation ?

PDO : L’infrastructure ULTRAFAST-LUMA est plus particulièrement centrée sur l’étude de dynamiques ultrarapides, à des échelles femtoseconde et sub-femtoseconde. Elle propose, en plus des lignes de lumière, de nombreuses techniques expérimentales adaptées aux temps courts, telles que les techniques pompe-sonde, l’absorption transitoire ou les spectroscopies multidimensionnelles. L’infrastructure ULTRAFAST-LUMA comprend aussi une plateforme de nanofabrication laser permettant la nanostructuration à des échelles extrêmes (moins de 100 nm) d’objets fonctionnels étendus et/ou complexe.

Aujourd’hui, ULTRAFAST-LUMA comprend 7 plateformes nationales, offrant, depuis mars 2024, de l’accueil externe dans le cadre de LUMA : CELIA (Bordeaux), I2BC (Paris-Saclay), ICPMS (Strasbourg), ILM (Lyon), LHC (Saint-Etienne), LIDYL (Paris-Saclay) et LP3 (Marseille). Cinq autres plateformes, sélectionnées lors de L’AMI vague 2 plateformes de LUMA, viendront renforcer l’offre dès le début 2025.

JPS : De son côté, l’infrastructure OPERANDO/PROTOTYPAGE-LUMA permet d’étudier des dispositifs en fonctionnement dans des conditions réelles, en particulier de température et de pression. Elle regroupe en particulier des dispositifs de RMN et de RPE permettant par exemple de réaliser des déterminations structurales et offrant une résolution temporelle. Certaines des plateformes d’OPERANDO/PROTOTYPAGE-LUMA sont également dédiées à l’étude de la photodégradation, tandis que d’autres permettent la mesure de performances photo(électro)chimiques de matériaux, le prototypage et leur optimisation vers l’intégration en systèmes fonctionnels.

OPERANDO/PROTOTYPAGE-LUMA rassemble actuellement 8 plateformes nationales : IBS (Grenoble), ICP (Paris-Saclay), INES/LCBM (Chambéry/Grenoble), IRCELYON (Lyon), LAMS (Paris), LASIRE (Lille), SyMMES (Grenoble) et Synchrotron Soleil (Paris-Saclay). Comme pour l’infrastructure ULTRAFAST, OPERANDO/PROTOTYPAGE accueillera 5 plateformes supplémentaires début 2025.

Comment les résultats (analyses/publications) des recherches menées sur les plateformes seront-ils partagés ?

PDO & JPS : Sauf accord de confidentialité motivé par un dépôt de brevet, une cession de licence ou la protection d’un savoir-faire industriel, les résultats obtenus dans le cadre de l’activité d’accueil sur les plateformes ULLTRAFAST-LUMA et OPERANDO/PROTOTYPAGE-LUMA feront l’objet de publications dans les revues scientifiques et de communications dans les conférences.

De façon générale, ULTRAFAST-LUMA et OPERANDO-LUMA recommandent que les données expérimentales ayant fait l’objet d’une publication soient partagées via un service de « data repository », ouvert et pérenne, respectant le critère FAIR (findable, accessible, interoperable, and reusable) et fonctionnant sous une licence de type CC-BY-NC empêchant l’utilisation commerciale.

Les prépublications seront accessibles sur des archives ouvertes comme HAL ou ArXiv, ainsi que sur toute autre plateforme open source couramment utilisée par la communauté scientifique concernée, conformément à la loi “pour une république numérique”. Cette mise à disposition pourra intervenir après un éventuel délai d’embargo imposé par l’éditeur.

En tant que coordinateurs, quels sont les plus grands défis concernant la gestion de ces plateformes ?

PDO & JPS : Les défis sont multiples. L’adaptabilité et la réactivité font partie de nos objectifs principaux pour répondre aux besoins des scientifiques accueillis et à l’évolution de leurs besoins. La réactivité est en particulier assurée par le choix d’un appel au fil de l’eau pour le dépôt des projets. L’adaptabilité se caractérise par exemple par la possibilité d’adapter l’offre à la demande en modifiant en cours de programme la répartition de jours d’accueil alloués à chacune des plateformes de façon à la réaligner, si besoin, au volume de la demande des utilisateurs sur les différentes plateformes.

Un autre défi consistera à faire en sorte que les réseaux de plateformes fonctionnent comme une infrastructure distribuée. La mise en commun des outils de gestion de l’accueil, l’usage d’une charte unique et d’un même plan de gestion de données iront également dans le sens de pratiques partagées au sein des infrastructures ULTRAFAST et OPERANDO-PROTOTYPAGE et d’une même conception de l’accueil externe. Enfin, les réunions régulières permettront aux plateformes d’échanger sur leurs difficultés éventuelles et de s’enrichir mutuellement de leurs expériences individuelles.

Le défi ultime sera de faire en sorte que les réseaux de plateformes perdurent au-delà de la fin du contrat actuel de LUMA qui se termine au 31 décembre 2029. Cette pérennisation serait notre plus grande réussite.


Retrouvez la première vidéo de présentation des plateformes du HUB Infrastructure sur notre chaîne YouTube.


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